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A la Croisée des Chemins
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24 mai 2009

Psyché au miroir d'Azay

Affiche_expo_Psych_Petit weekend tourangeaux et sortie totalement imprévue: le château d'Azay-le-Rideau abrite depuis le 20 mai et jusqu'au 30 août une exposition sur la représentation de la figure de Psyché de l'Antiquité au XIXe, alors forcément, nous y sommes allés, et en plus nous avons découvert sur place que l'exposition était comprise dans le billet et que désormais il était gratuit pour les moins de 26 ans ressortissant d'un des 27 pays de l'Union Européenne.

L'exposition occupe tout le premier étage du château (6 pièces) ainsi qu'une autre petite salle au rez-de-chaussée (l'ancien passage entre la cour et le jardin, une très jolie salle voûtée avec une grande fenêtre donnant sur l'étendue d'eau qui cerne le château). Je précise entre parenthèses que ce n'est nullement une perte par rapport à ce qu'on peut voir de façon permanente à Azay: le château, s'il a effectivement servi plus d'une fois de relai de chasse à la Cour itinérante, était vide ou presque et c'était la Cour qui le "meublait" avec les tentures et les coffres qu'elle emportait avec elle. Il n'y a donc aujourd'hui pas grand chose à voir en dehors de l'architecture (les cheminées en particulier sont de toute beauté!): quelques tableaux sans grand rapport, deux lits qui ne sont pas d'époque, et le rez-de-chaussée meublé et habité par le marquis de Biencourt, le châtelain qui a habité à Azay au XIXe.

Cam_e_mariageLa salle 1 est consacrée aux représentations antiques et aux représentations les plus symboliques de Psyché. Le mythe remonte en effet à la Grèce antique (on trouve notamment une représentation d'Eros et Psyché datant des IVe-IIIe siècles avant JC, mais Psyché n'y a pas encore ses ailes de papillons, ainsi que des sceaux et des camées dont celui-ci qui représente le mariage d'Eros et Psyché), mais la version écrite la plus ancienne que nous ayons est celle qui est insérée aux livres IV à VI de L'Âne d'Or ou les Métamorphoses d'Apulée (auteur latin du IIe siècle). On trouve d'ailleurs dans cette salle une belle édition d'Apulée, un manuscrit de la deuxième moitié du XVIe siècle.

Enl_vementLa salle 2, un peu austère, est pourtant à mon sens une des plus intéressantes. Elle présente la redécouverte du mythe à la Renaissance à travers un ensemble de 33 gravures du Maître au Dé qui reprennent tous les moments forts de l'histoire de Psyché en suivant le récit d'Apulée. Ces gravures sont absolument essentielles dans la mesure où elles vont servir de modèle à tous les artistes de la Renaissance:
Enl_vement_sur_platon voit ici un émail peint de Léonard Limosin (1534) représentant l'enlèvement de Psyché par Zéphyr qui va la conduire au palais de Cupidon, une oeuvre qui ne figure pas dans l'exposition mais reprend très exactement la gravure originale qui y est. On trouve d'ailleurs également dans l'exposition une vitrine d'assiettes peintes comme ce plat reprenant les mêmes motifs.

Bain_tentureLa salle 3 est la grande salle du château, utilisée pour les bals et les festins et qui abrite une cheminée monumentale arborant le blason de François Ier, la salamandre qui surmonte la devise "Nutrisco et extinguo" ("J'entretiens et j'éteins [le feu]"). Dans cette salle ont été regroupées les tapisseries du XVIe appartenant au cycle de Psyché: neuf tentures recouvrent les murs en suivant les grands épisodes du récit. Si j'ai bien compris les explications, ces tentures sont issues de deux grandes séries, l'une de vingt-neuf pièces et l'autre de dix-sept, dont la grande majorité est malheureusement perdue; on a donc là le plus grand rassemblement des tapisseries de l'histoire de Psyché. Un détail qui m'amuse toujours: comme sur toutes les grandes représentations de récit, que ce soit en peinture ou en tapisserie, chaque tenture représente ici en réalité deux voire trois épisodes de l'histoire, ainsi de la tenture de la découverte de l'Amour où l'on voit en arrière plan sur la gauche les deux soeurs jalouses qui conseillent à Psyché de braver l'interdiction de voir son mari et sur la droite l'Amour découvert qui s'enfuit par la fenêtre.
[Je ne sais pas si la tapisserie du Bain d'Eros et Psyché que j'ai utilisée ici était ou non à l'exposition, mais elle est tout à fait dans le style.]

Les salles 4 et 5 sont consacrées à la réécriture classique du personnage avec deux grandes oeuvres: le conte de La Fontaine et une pièce ballet de Molière et Pierre Corneille. C'est l'occasion de nouvelles représentations picturales accompagnant la revisitation du mythe: le moment fort est désormais la découverte de l'Amour endormi, et les récits insistent particulièrement sur le thème de la curiosité. Avec l'adaptation de Molière, le personnage se théâtralise et l'un des "objets" les plus fascinants de l'exposition est une maquette du décor utilisé pour représenté la Palais de Vénus, tout entier de pierreries: c'est coloré et même bariolé, mais on se dit que le décor grandeur nature devait être impressionnant. Et puis j'ai toujours eu un faible pour les maquettes!

En entrant dans la salle 6, on passe au XVIIIe siècle, et là, c'est vraiment très particulier. Comme on le sait le XVIIIe est un siècle très propice aux arts décoratifs, et autant vous le dire tout de suite, ce n'est pas ma tasse de thé. La palme revient à l'ombrelle de la reine Hortense de Hongrie, toute de laiton, ivoire (pour le pommeau, sculpté en corne d'abondance) et soie, avec à l'intérieur des scènes représentées, dont une tirée de l'histoire de Psyché. A mon sens un monument de kitsch. Mais on trouve de belles choses: un sucrier très fin où la pauvre Psyché est réduite à son expression la plus symbolique, un papillon, une paire de chenêts pour maintenir les bûches dans la cheminée qui représentent Eros et Psyché sous les traits de deux enfants, une petite statuette en terre cuite du couple enlacé dans une posture à la fois d'une grande tendresse et très érotique, statuette que je regrette vivement de ne pas pouvoir mettre ici, mais on ne la trouve pas sur internet. On peut aussi voir la traditionnelle pendule pour mettre sur la cheminée, toujours aussi lourde...

Bas_relief_BatesLa dernière salle (après la salle au pied de l'escalier qui rassemble de nombreux documents et cartes sur le château d'Azay) clôt l'exposition par un triptique en bas relief de Harry Bates inspiré par un poème d'Elizabeth Browning racontant l'histoire de Psyché, et par un miroir long de l'espèce à laquelle Psyché a donné son nom.

Petite précision pour ceux qui ne connaissent pas le mythe de Psyché.
"Psyché, une fille de roi dont la beauté remarquable suscita la jalousie de Vénus. La déesse voulut convaincre son fils Amour [en grec Eros] d'inspirer à Psyché de l'amour pour des gens affreux, mais Amour s'éprit de la jeune fille, l'installa dans un magnifique palais et la visita chaque nuit. Il lui interdit cependant de demander son nom et de chercher à le voir. Poussée par ses deux soeurs, qui doutaient de son union, une nuit, Psyché apporta une lampe et reconnut dans son amant Amour, semblable à elle par sa beauté. Amour se réveilla, s'emporta contre sa désobéissance et l'abandonna. Elle rechercha son amant, desespérée, et se rendit dans un temple de Vénus. La déesse l'utilisa comme esclaveet la chargea de tâches qu'elle accomplissait grâce à la compassion d'autrui [notamment, séparer des grains, puiser de l'eau du Styx et enfin aller aux Enfers et en rapporter un vase du baume de Proserpine, la reine des Enfers]. Zeux finit par s'émouvoir, rendit Psyché immortelle et l'unit définitivement avec Amour avec le consentement de Vénus. [Psyché, sous la forme d'un papillon, représente symboliquement l'âme conformément à la signification grecque de son nom.]"
d'après le Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine de Dorothea von Coenen, édition Brepols. Les indications entre crochets sont ajoutées par moi.

Ps_et_Amour_G_rard

Psyché et l'Amour, François-Pascal-Simon Gérard, 1798.

 

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