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A la Croisée des Chemins
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20 février 2010

Les Louves du Palatin

Je viens de me replonger dans un livre que j'ai trouvé absolument par hasard (un bouquin d'occasion que j'ai failli ranger avant de me dire, "Tiens, si je me le mettais de côté, ça a l'air marrant"), mais qui est absolument parfait pour satisfaire un certain nombre de mes obsessions. J'ai nommé Les Louves du Palatin, de Jean-Pierre Néraudau (édition Les Belles Lettres, 1988). L'auteur, historien de l'Antiquité romaine, y présente sous forme romancée, les mémoires (forcément fictifs) des femmes des premiers empereurs romains, ces "louves du Palatin".

Maquette_RomePourquoi ça correspond à mes obsessions? Simple, on y retrouve, dans une trame historique très précise sur une de mes période préférée, la fin de la République romaine et les débuts de l'Empire (l'action se situe pour l'essentiel entre 45 avant JC et 90 après), des coucheries diverses, que celles-ci soient avérées ou ne soient que des ragots, des complots politiques, des haines familiales inextinguibles, et pour couronner le tout, parce que l'auteur est quand même historien, un arbre généalogique très précis de cette famille fascinante et bordélique à souhait qu'est la famille des julio-claudiens (c'est-à-dire la famille des empereurs romains, issue d'un mariage opportun entre l'illustrissime famille des Claudii, vieille famille de la noblesse romaine qui trustait toutes les magistratures de la République, et celle des Julii, nettement plus obscure quoiqu'elle-même assez ancienne et qui ne doit ses lettres de noblesse qu'à l'ascension "à la force du poignet" de Jules César). Car oui, je dois l'avouer, j'ai une passion coupable pour la généalogie, et plus c'est compliqué, plus ça me plaît. Quoi de plus fascinant alors que la succession de ces familles dans lesquelles le mariage était avant tout politique, et qui donc, se mariaient et divorçaient sans cesse au gré des alliances politiques et de leurs caprices du moment. Évidemment, les femmes n'avaient pas leur mot à dire, d'où l'intérêt à mon sens, de voir les choses de leur point de vue. Car bien sûr, les impératrices n'étaient pas des oies blanches, et si on ne les entendait pas beaucoup, elles n'en manœuvraient pas moins comme elles voulaient en coulisses. Bref tout ça pour dire que je suis fan!

Le livre en lui-même se présente donc sous forme de mémoires fictifs des grandes figures féminines de la dynastie julio-claudienne. La thèse qui sous-tend l'ensemble est celle, assez classique, que cette famille, du fait d'un certain nombre de tares héréditaires, a travaillé elle-même à sa propre perte. A ceci prêt que la thèse est ici traitée sur le mode de la tragédie classique et non de la monographie démonstrative: plutôt que de tares congénitales, on parle donc de "pulsions morbides", mais le résultat est le même.
The_Death_of_Cleopatra_arthurTragédie classique donc. Outre les nombreuses références (du fameux "Prends un siège, Cinna", qui renvoie textuellement à la pièce de Corneille, à la description dramatique au sens premier du terme de la mort d'Antoine, dont je pense, sans certitude puisque je ne l'ai pas lue, qu'elle reprend la scène de l'Antoine et Cléopâtre de Shakespeare, et sans doute beaucoup d'autres que je n'ai pas reconnues), le livre lui-même est construit comme une tragédie en cinq actes.
Acte I Mémoires de Livie. La mise en place de "l'intrigue" c'est-à-dire la mise en place du principat avec toutes ses ambiguïtés et ses contradictions, mais aussi l'introduction de la lutte entre les deux branches de la famille, d'un côté le sang des Julii, le sang d'Auguste mais surtout le sang de sa fille Julie et de ses nombreux descendants, de l'autre le sang des Claudii, celui de Livie et de son fils Tibère.
Acte II Mémoires de Julie. Le revers de la médaille, après la vision de Livie (lavée dans le livre de tous les soupçons de meurtres qui ont lourdement pesés sur elle), celle de son éternelle rivale, la fille d'Auguste qui a toujours détesté sa "marâtre". Face à face très intéressant.
Acte III Petite histoire des femmes de Caligula, récit de la compilatrice fictive, Junia Calvina (dernière descendante des Julio-claudiens, épargnée par les massacres en raison de son retrait systématique. Elle est issue, il faut bien l'avouer d'une branche très secondaire de la famille, mais ses frères ont tout de même été assassinés pour leur interdire toute prétention au trône: on n'est jamais trop prudent!)
Acte IV Mémoires d'Agrippine (la jeune évidemment, celle qui a épousé Claude, son oncle, et a réussi à imposer son fils Néron sur le trône à la mort de son mari), agrémentés d'extraits de la correspondance de Messaline et de sa mère Domitia Lepida.
Acte V Mémoires d'Octavie et mémoires de Poppée, en bref, les femmes de Néron.
L'ensemble est précédé d'un prologue et suivi d'un épilogue, œuvres de notre compilatrice fictive Junia Calvina qui y souligne l'acharnement de sa famille à se perdre, les membres de celle-ci ne cessant de se massacrer les uns les autres. On remarque au passage le talent de construction de l'auteur: chaque acte, mis à part le troisième qui est tout d'un bloc, est lui-même divisé en cinq parties.

Pour le moment, je suis en plein dans l'acte II, d'où mon manque de détails sur la suite. C'est d'ailleurs, à première lecture, les deux premiers actes qui m'avaient le plus fascinée, par cette habileté de l'auteur à innocenter des plus graves accusations qui pèsent sur elles, à la fois Livie et Julie, la marâtre intrigante voire empoisonneuse et la débauchée orgueilleuse souhaitant tellement le pouvoir qu'elle eût été parricide en intentions. Un vrai coup de maître!
Mais je n'en dis pas plus pour l'instant. Je vous prépare cinq commentaires à venir, un par acte (et peut-être un sixième pour ma conclusion...). Affaire à suivre.


louve

La vue de Rome est une photo du plan de Rome en relief de Paul Bigot trouvée sur le site de l'université de Caen. Le tableau est une représentation de la Mort de Cléopâtre par le peintre Reginald Arthur (1892).

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Commentaires
R
… qui ne saurait être comparée à Jean-Pierre Néraudau !!!!!!!!!!! Enorme rigolade !!!!!!!!
L
Bonjour,<br /> <br /> Dans le mëme style vous avez : les louves du capitole de Violaine Vanoyeke (robert laffont: 1090); ISBN2-221-05941-7
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