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A la Croisée des Chemins
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27 octobre 2009

Il faut être Dieu ou architecte.

Voilà ce que disait Charles Garnier, l'architecte du palais qui porte son nom, la treizième salle de l'Opéra de Paris.

Garnier_grand_escalierDimanche dernier, lors d'une superbe journée entre filles, nous nous sommes offert la visite guidée de l'Opéra Garnier. Après quelques généralités pour situer le contexte (le Second Empire et les rénovations haussmanniennes), on en arrive assez vite au vif du sujet: le concours d'architecture lancé par Napoléon III vers 1860 pour la construction d'un nouvel Opéra (je n'ai pas la date exacte, mais les travaux commencent en 1861.; ils finiront en 1875 et l'Opéra sera alors inauguré par le Président de la nouvelle République, Mac-Mahon), et bien sûr, le bâtiment lui-même.

Charles Garnier, qui l'emporte sur de nombreux architectes à la mode (Viollet-le-Duc!), n'a alors que 35 ans; bien que déjà Grand Prix d'architecture de Rome, c'est encore un quasi-inconnu, et il ne doit sa victoire qu'à l'ingéniosité de son oeuvre. Son Opéra est à la fois fonctionnel (avec son grand escalier central et sa coursive qui fait le tour complet de la salle, impossible de se perdre), courtisan (l'Empereur a son entrée et sa loge personnelles, la somptuosité du lieu doit servir de vitrine au Second Empire et Garnier travaille avec des artistes académiques) et d'une ingénieuse modernité (sous les marbres et les stucs une structure métallique, des gaines laissées libres pour l'installation future de l'électricité à l'heure où tout Paris s'éclairait exclusivement au gaz).

Garnier_BalconPour ce qui est des passages obligés, le grand escalier est évidemment incontournable: escalier à double révolution aux marches suffisamment petites pour que les dames puissent y évoluer sans mal et suffisamment larges pour que les messieurs puissent y poser toute la longueur de leur pied. L'ensemble est entouré d'une galerie, aménagée de balcons et qui fait tout le tour de l'escalier afin que l'on puisse épier tout à son aise les faits et gestes de toutes les personnes présentes, et que l'on puisse, bien entendu, médire tout à loisir des personnes montant ce grand escalier (avec la montée des marches à Cannes, on n'a strictement rien inventé). Quant au décor, stucs et marbres colorés d'une vingtaine de teintes différentes, si mes souvenirs sont bons.

Garnier_salleLa salle ensuite. C'est tout un programme: or et pourpre. Il paraît qu'il était alors d'usage d'utiliser des tentures dans des tons froids, bleus ou verts. Garnier a prétexté que la pourpre donnait un plus joli teint aux demoiselles. A noter tout de même que la salle représente selon Garnier le type même d'un décor "sobre et épuré". Tout était fait pour que l'on se concentre sur la scène plutôt que sur la magnificence de la salle. Mais on peut toujours loucher sur les cariatides, plutôt dénudées, de la loge de l'Impératrice (celle de droite). Je vous épargne le plafond de Chagall.

Garnier_d_tail_foyerDirection ensuite le foyer. Comme tout le monde à l'entracte, on va s'y montrer. Il faut avouer qu'il vaut le détour, et que là, la sobriété n'est pas de mise. Là encore, l'or resplendit (dégouline?) partout et au milieu du foisonnement de cadres, colonnes, masques, petites sculptures, angelots, divinités, bustes, chapiteaux, frises,... on ne sait plus tellement où donner de la tête. Et chaque centimètre carré qui n'est pas recouvert d'or et peint, et particulièrement le plafond, selon la grande tradition des plafonds peints. Celui-ci, oeuvre de Paul Baudry, représente diverses scènes mythologiques autour du thème des arts et particulièrement de la musique. On trouve d'ailleurs, sur fond doré, le portrait de huit des neufs Muses (la Muse manquante étant comme de bien entendu celle du Poème lyrique, cherchez l'erreur!) Heureusement, les ouvertures d'un côté sur l'avant-foyer puis le grand escalier et de l'autre sur la terrasse allègent très légèrement l'ensemble. Très légèrement...

Garnier_avant_foyerL'avant-foyer, ça, ce fut pour moi la révélation. Après les influences classiques revendiquées par Garnier (les temples grecs dont on sait désormais qu'ils étaient polychromes -- d'où les multiples teintes de marbre -- pour le grand escalier, Rome pour les sols et la Renaissance italienne pour le foyer avec un clin-d'oeil appuyé à la Chapelle Sixtine au plafond -- il fallait oser quand même se prendre pour Michel-Ange!), on est là sous Garnier_mosa_que_2l'influence, bien plus originale, de l'art byzantin: au plafond s'étalent de magnifiques mosaïques aux motifs très colorés sur fond or, parmi lesquels se détachent quatre médaillons représentant les couples Artémis et Endymion, Orphée et Eurydice, Eos (l'Aurore) et Céphale et enfin Hermès et Psyché (ne me demandez pas pourquoi, je ne comprends pas franchement ce qu'ils font "en couple"), avec à chaque fois le nom des personnages écrit (en grec) comme un petit ruban à côté d'eux. De chaque côté de la salle, sur l'arc, les remerciements de Garnier à l'atelier de mosaïque et sa signature,... en grec byzantin (pas très lisible, du coup).

Pour terminer, il me faut quand même signaler que le Palais Garnier est absolument merveilleux: il abrite une bibliothèque (annexée à la Bibliothèque Nationale de France) contenant notamment de nombreux ouvrages sur la musique et des partitions. Elle est issue d'un heureux concours de circonstances: suite à la chute du Second Empire, Garnier s'est retrouvé avec une aile de bâtiment dont il ne savait pas quoi faire (elle était à l'origine destinée à abriter des salons privés pour les commodités de Napoléon III) et un de ses amis avait une bibliothèque qu'il ne savait pas où caser. Le résultat est plutôt sympathique.

Garnier_biblioth_que

Voilà pour le compte-rendu de la visite, qui dure environ 1h30 (9€ pour les étudiants et les moins de 26 ans). J'ai passé bon nombre de détails, bien sûr, et puis ça vaut vraiment le coup d'oeil: les photos ne rendent jamais vraiment un bâtiment. Mais le mieux reste encore de se faire sa petite visite en allant voir un spectacle.

Les photos ont toutes été piochées sur internet: photos "officielles" de l'Opéra, photo du foyer de Jonathan Haider, photo de la bibliothèque de Gérard Robert, photo de l'avant-foyer de Copetan; les deux autres proviennent d'un blog et d'un site de mosaïque.

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