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A la Croisée des Chemins
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5 juin 2009

Psyché - dénouement

Suite à ma visite de l'expo ridelloise sur Psyché (Psyché au miroir d'Azay), je suis retombée avec grand plaisir sur un extrait des Métamorphoses d'Apulée que j'avais traduit en version l'an dernier. Il s'agit du dénouement du conte de Psyché, les chapitres XXII à XXIV du livre VI.

XXII. Interea Cupido amore nimio peresus et aegra facie matris suae repentinam sobrietatem pertimescens ad armillum redit alisque pernicibus caeli penetrato vertice magno Jovi supplicat suamque causam probat. Tunc Juppiter prehensa Cupidinis buccula manuque ad os suum relata consaviat atque sic ad illum: Licet tu, inquit, domine fili, numquam mihi concessu deum decretum servaris honorem, sed istud pectus meum quo leges elementorum et vices siderum disponuntur convulneraris assiduis ictibus crebrisque terrenae libidinis foedaveris casibus contraque leges et ipsam Iuliam disciplinamque publicam turpibus adulteriis existimationem famaque meam laeseris in serpentes in ignes in feras in aves et gregalia pecua serenos vultus meos sordide reformando, at tamen modestiae meae memor quodque inter istas meas manus creveris cuncta perficiam, dum tamen scias aemulos tuos cavere, ac si qua nunc in terris puella praepollet pulcritudine, praesentis beneficii vicem per eam mihi repensare te debere.
XXIII. Sic fatus jubet Mercurium deos omnes ad contionem protinus convocare, ac si qui coetu caelestium defuisset, in poenam decem milium nummum conventum iri pronuntiare. Quo metu statim completo caelesti theatro pro sede sublimi sedens procerus Juppiter sic enuntiat:
Dei conscripti Musarum albo, adolescentem istum quod manibus meis alumnatus sim profecto scitis omnes. Cujus primae juventutis caloratos impetus freno quodam coercendos existimavi; sat est cotidianis eum fabulis ob adulteria cunctasque corruptelas infamatum. Tollenda est omnis occasio et luxuria puerilis nuptalibus pedicis alliganda. Puellam elegit et virginitate privavit: teneat, possideat, amplexus Psychen semper suis amoribus perfruatur. Et ad Venerem conlata facie: Nec tu, inquit, filia, quicquam contristere nec prosapiae tantae tuae statuque de matrimonio mortali metuas. Jam faxo nuptias non impares sed legitimas et jure civili congruas, et ilico per Mercurium arripi Psychen et in caelum perduci jubet. Porrecto ambrosiae poculo: Sume, inquit, Psyche, et immortalis esto, nec umquam digredietur a tuo nexu Cupido sed istae vobis erunt perpetuae nuptiae.
XXIV. Nec mora, cum cena nuptialis affluens exhibetur. Accumbebat summum torum maritus Psychen gremio suo complexus. sic et cum sua Junone Juppiter ac deinde per ordinem toti dei. Tunc poculum nectaris, quod vinum deorum est, Jovi quidem suus pocillator ille rusticus puer, ceteris vero Liber ministrabat, Vulcanus cenam coquebat; Horae rosis et ceteris floribus purpurabant omnia, Gratiae spargebant balsama, Musae quoque canora personabant. <Tunc> Apollo cantavit ad citharam, Venus suavi musicae superingressa formonsa saltavit, scaena sibi sic concinnata, ut Musae quidem chorum canerent, tibias inflaret Saturus, et Paniscus ad fistulam diceret. Sic rite Psyche convenit in manum Cupidinis et nascitur illis maturo partu filia, quam Voluptatem nominamus.

***

XXII. Sur ces entrefaites Cupidon, dévoré d'un trop d'amour et la mine malade, et redoutant par-dessus tout le soudain puritanisme de sa mère, fait appel à un vieux truc: grimpé au sommet du ciel, il présente une supplique au grand Jupiter et lui plaide sa cause. Alors Jupiter pince la joue de Cupidon avec sa main, l'approche de sa bouche, lui donne un baiser, et lui dit comme ça: Messire mon fils, quoique tu ne m'aies jamais rendu les honneurs qui m'ont été votés par l'assemblée des dieux et que bien au contraire mon coeur, ce coeur parangon des éléments et diapason du cours des astres, tu n'arrêtes pas de le harceler, de le blesser et de le souiller en le faisant tomber de plus en plus bas dans d'abjectes libidinosités terrestres, quoiqu'au mépris des lois, en particulier de la loi Julia elle-même, et des bonnes moeurs, tu aies compromis mon honneur et ma considération par de honteux adultères, métamorphosant sordidement ma paisible personne en serpents, feux, animaux féroces, oiseaux, bestiaux de ferme, quand même, me rappelant que j'ai de la pudeur et que tu as grandi dans ces mains-là à moi, j'arrangerai tout, mais à condition que tu saches te garder d'avoir des imitateurs, et que s'il y a sur terre une fille plus jolie que les autres, en compensation du service, tu me la donnes.
XXIII. Aussitôt il commande à Mercure de convoquer illico tous les dieux en assemblée et que s'il y en a un qui ne vient pas au ciel pour le rendez-vous il aura à payer pour sa peine une amende de dix milles sesterces. De suite, par peur de l'amende, le théâtre du ciel est plein, et le grand Jupiter, siégeant tout en haut de son trône, ouvre la séance comme ça: Dieux sénateurs dont les noms sont inscrits dans le registre des Muses, vous savez tous, par le fait, que cet adolescent je l'ai nourri de mes propres mains. J'ai pensé qu'il fallait trouver un frein pour contenir les chaleurs impétueuses de sa prime jeunesse. J'en ai assez d'entendre tous les jours clabauder sur lui des histoires de cocuage et de coucheries en tout genre. Pour en finir avec ce dévergondage juvénile il faut supprimer les occasions. Attachons lui un fil à la patte. Marions-le. Il s'est choisi une fille et l'a dépucelée. Qu'elle soit à lui, qu'il se la garde, qu'il reste à jamais dans les bras de Psyché à savourer son amour. Et, tournant la tête vers Vénus: Et toi, ma fille, ne soies pas triste et n'aies pas peur pour ta si noble lignée et son état d'un mariage avec une mortelle. Je m'en vais faire ce qu'il faut pour que ce ne soit pas un mariage inégal, mais bien valide et conforme au droit civil. Et de suite il commande que Mercure aille arêter Psyché et l'amène au ciel, lui tend une coupe d'ambroisie et lui dit: Prends, Psyché, et sois immortelle, jamais Cupidon ne rompra votre lien, vous êtes mariés pour l'éternité.
XXIV. On ne lambina pas à servir un abondant repas de noce. Sur le lit du haut était couché le marié tenant sa Psyché embrassée sur ses genoux, ensuite Jupiter pareil avec sa Junon, et après tous les dieux rangés dans l'ordre. A Jupiter c'était le petit paysan son serviteur attitré qui lui tendait sa coupe de nectar, qui est le vin des dieux, et aux autres c'était Liber. Vulcain faisait le fricot, les Saisons empourpraient tout de roses et autres fleurs, les Grâces répandaient des parfums, les Muses faisaient sonner des mélodies. Apollon chanta sur un air de cithare, et Vénus, ajustant son pas au tempo d'une douce musique, dansa élégamment un ballet improvisé où les Muses chantaient en choeur tandis qu'un Satyre soufflait dans sa double flûte et qu'un Pan jouait du chalumeau. C'est ainsi que Psyché passa selon le rite sous la puissance maritale de Cupidon, et quand sa grossesse vint à terme il leur naquit une fille, que nous appelons Volupté.

Traduction d'Olivier Sers, Les Belles Lettres, 2007.

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Commentaires
S
Hein ?
C
Sur le coup, j'ai cru que c'était ta traduction de la version de l'année dernière... et je me suis dit "wahou! comment c'est trop la classe! Comment M. DU*** n'a pas vu le génie en elle?" mais en fait quelle décéption quand j'ai vu qua c'était du Budé. Fausse joie!
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